ODYSSÉE 1945

Note de l'éditeur : 
Le tableau de correspondance des noms de lieux en allemand, polonais et tchèque est : ici .

Janvier 1945

samedi 20 janvier 1945

Alerte de 9h05 à 10h20.

Suis ensuite monté à la firme pour y arriver à 11h, quand sonnait une nouvelle alerte. Fin à 11h45.
A midi 1/4, j'ai repris le chemin du camp.

- 2h45 : alerte ;
- 3h1/2 : combat aérien ;
- fin d'alerte à 4h50.

Nous restons à quatre dans notre chambre. Les autres sont partis coucher aux bunkers des cités ou du chantier. Nous allons donc dans la chambre du chef de baraque où il y a un poêle. Les chambres 3 et 4 prennent la garde de nuit pour avertir en cas d'alerte, la 1 et la 2 l'ayant prise la nuit dernière.

 

dimanche 21 janvier 1945

Minuit 1/2  : des camarades arrivent du chantier, celui-ci ayant été évacué.

4h1/2 : départ des faibles et des malades.
Par un transport, probablement ?...

5h1/2 : je commence à m'occuper du ravitaillement de la chambre et du rata pour la baraque.

12h1/2 : nous sommes toujours là en attendant l'heure où viendront les ordres du départ.

J'ai repris ce soir de 7h1/2 à 8h la garde comme je l'avais prise hier de 10h à 10h1/2 pour signaler à la baraque en cas d'alerte fusée, passage d'avions, etc.

10h [du soir]: le chef de bloc nous prévient que nous pouvons partir d'un moment à l'autre.

11h15 : le clairon sonne. Nous nous apprêtons au départ et quittons le camp à 11h1/2.

Nous mettons 1h1/2 pour faire la traversée d'Auschwitz encombré par les colonnes d'Italiens et d'Ukrainiens, ainsi que par des voitures militaires et civiles.

 

lundi 22 janvier 1945

Nous avions transformé hier matin dans le cas d'un départ le brancard en traîneau avec des coudes de tube de lit scié.

A 5h, nous chargeons ce véhicule. Il glisse assez mal pendant la traversée de la ville où il a été jeté de la cendrée.

A 7h10, nous arrivons à Kenty (18 km).
Marche forcée, sans pause.
Nous nous arrêtons de nous-mêmes à 8 h pour casser la croûte.
Nous reprenons notre chemin à midi.
Nous nous arrêtons devant Alezen.
J'ai eu 1 litre de café au lait et un morceau de pain dans une maison.

Nous arrivons à Bielitz vers 2h1/4 de l'après-midi.

A 3h10, je fais ouvrir une boulangerie pour faire prendre 6 kg de pain par Francis.
[ce Francis est un camarade de chambrée de papa].

Nous sortons ensuite de la ville pour aller cantonner dans une grande maison à Matzdorf Ost, à 4 km de Bielitz.

Nous y entrons vers les 5h du soir.

J'ai trouvé à échanger une petite luge contre une paire de chaussures basses cuir que j'avais touché de la délégation.

Après un casse-croûte, je suis allé me coucher car il faut prendre du repos pour l'étape de demain.

Nous avons fait aujourd'hui :

- Auschwitz - Kenty : 18 km ;
- Kenty - Bielitz :   17 km ;
- Bielitz - Matzdorf : 4 km ;
-----------------------------------------
soit :                39 km

mardi 23 janvier 1945

Je prends la direction de la baraque car notre chef de baraque est resté en rade.

Ravito. La boule de 2 kg à 6.

Aujourd'hui la charge est moins lourde à tirer.
Je fais équipe avec Boisson.
La petite luge glisse mieux.
J'en trouve une autre gratuitement à la sortie du village. Je la laisse aux camarades de la chambre.

Sur la route, je cherche du café. Commence ainsi la mendicité pour se nourrir. On me donne du pain avec de la graisse.

A 3 heures, nous faisons une pause devant Zaresch.
Et nous remarchons.
A 4h15, station à Zarrenthul. Recherche de cantonnement : maisons, granges, étables, etc.

Je trouve une petite chambre à coucher attenante au café. Nous y  coucherons à une quinzaine sur le plancher.

L'étape d'aujourd'hui a été de 20 km.

Nous devions partir à 1h mais il y a eu contr'ordre à minuit. A 11h1/2, on avait obtenu du café au lait chaud.

 

mercredi 24 janvier 1945

J'ai pu ce matin me laver et me raser à l'eau chaude. Nous prenons le départ à 12h20. A la halte, les gens  nous distribuent du lait et du pain. Nous touchons un paquet de cigarettes offert par l'I.G. . A 5 heures, nous arrivons à Sussetz. L'étape a été de 18 km et nous sommes à 33 km de Bielietz. Nous faisons donc des détours pour éviter les grandes routes. Trouvé à loger la 271 dans une étable de 55 vaches.

 

jeudi 25 janvier 1945

Touchons ce matin un peu de sucre, de lard et de margarine. Prenons la route à 8h10.

Passons à Sotchau puis à Rybnik qui est déjà zone rouge. Sur la route les canons sont braqués. Les soldats vêtus de blanc surveillent à la jumelle et attendent avec les armes anti-chars l'arrivée possible, d'un moment à l'autre, des Russes.

Nous prenons la route de Rauden que nous lâchons à 6km pour prendre une bifurcation. La nuit est déjà tombée. Traversons une forêt de sapins puis descendons dans un ravin où il y a sur la route un barrage anti-chars. La pente est raide ; aussi il faut défaire la luge, la monter, redescendre prendre les sacs et les musettes et refaire le traîneau. Heureusement qu'il y a la lune qui nous éclaire un peu. 

Nous arrivons à Raschütz vers 8 heures après une dure étape de 42 km. Couchons dans une grande grange et il fait près de 30° sous zéro.

 

vendredi 26 janvier 1945

Après une nuit si froide, il fallait un peu de réconfort. Sommes repartis dans les maisons où les habitants nous avaient préparé une soupe fumante. Reprenons ensuite notre chemin.

Passons à Ratibor  [passage de l'Oder miné, avec les pièces en position de l'autre côté]. Nous en étions hier à 7 km.

Arrivons à Troppau le soir à 10h20. Il faut attendre sur place jusqu'à plus de minuit pour avoir un logement. Le bloc 2 se rend dans une salle de café ; c'est chauffé. La chaleur nous ranime un peu. Nous avions fait 36 km et nous avions attendu 1h1/2 sur place les pieds mouillés d'avoir marché dans la neige et qui se seraient gelés si l'on ne battait pas la semelle. Une nuit claire, un temps glacial. 25 à 30°n sous zéro sans exagération.

 

samedi 27 janvier 1945

Ce matin, on nous distribue 250 g de pain et une tasse de café. Il (me) faut servir d'interprète avec le camionneur.

A 1h10, sortons en dehors de la ville et attendons dans des cantines jusqu'à 6h pour toucher une tranche de pain et un morceau de saucisson.
A 6h15, prenons la route et arrivons à la bifurcation de Kreuzendorf et de Neplachovitz.
Prenons la seconde direction et trouvons à loger dans une cuisine de ferme. 
Ce sont des Tchèques. Accueil sympathique.
Ils nous offrent le feu, font sécher nos chaussures et chaussettes. Ils nous font du thé chaud sucré. Tout le carré en profite.

Nous avons fait ce soir 9 km.

 

dimanche 28 janvier 1945

Ce matin, déjeunons avec un bon morceau de brioche, du pain, du miel, du café au lait sucré, le tout à volonté.
Un bobard ? On me dit que la colonne est partie à 6h.
Nous partons à 9h30. 

En arrivant à Lodviz, je m'informe. Personne ne sait rien. Je m'en retourne donc seul à Neplachovitz puis vais à Kreuzendorf où je trouve le chef Devaux. 
Connaissant maintenant la direction à suivre, je rejoins l'équipe. J'ai fait près de 10 km.

Nous rattrapons la colonne dans une bifurcation. Nous nous arrêtons le soir à Eckersdorf.  Etape de 16 km plus le supplément de ce matin.

L'école est pleine. Je me trouve à loger avec Francis dans une cuisine chez de braves gens qui ont deux petits garçons et une petite fille. Nous mangeons des gâteaux avec du thé chaud bien sucré.

 

lundi 29 janvier 1945

Ce matin, après m'être bien lavé et avoir déjeuné, suis allé retrouver les autres à midi. Touchons une gamelle de soupe épaisse. Le soir après avoir chez l'habitant manger des patates avec un litre de lait, suis allé toucher ma soupe, mes 300 g de pain et mes 5 cigarettes. A notre retour, la femme nous avait installé de la paille.

 

mardi 30 janvier 1945

Ce matin, lever à 6h45. Après avoir préparé le traîneau, attendons dans la salle l'heure du départ qui n'a lieu qu'à 10h10. A Boidersdorf, Francis attrape mal au ventre. Suis obligé de le faire coucher dans une maison.

Je pars à la recherche d'un traîneau avec des chevaux, parle au bourgmestre puis au chef syndical fermier. J'obtiens après bien des démarches satisfaction.
Nous partons à 2h et allons jusqu'à Hachtau.

Après avoir bu un jus au café, son malaise est passé.
Nous attaquons la côte et allons rejoindre la colonne à Heindenpilcht à 3 km. Étape courte de 13 km. 
Trouve à coucher chez deux petits vieux qui nous offrent pour souper des patates et du boudin frais.

 

mercredi 31 janvier 1945

J'ai dormi cette nuit sur une paillasse (un banc qui s'ouvre et ferme comme un lit). Francis a dormi sur le divan. Nous nous sommes bien reposés. Après déjeuner, rejoignons le groupe. Départ 10h. Passons par Hof qui est à 5 km. A 2 km au sortir de la ville, accrochons le traîneau à un convoi militaire qui nous mène jusqu'à 2 km de Bärn où nous devons loger.

La route était en majeure partie de côtes, neige haute. Il tombait du givre. Nous arrivons vers 1h. Étape de 14 km.

Trouve à dîner chez l'habitant. Soupe. Veau gratiné, pain avec saindoux. Café.
Trouvé à loger dans une cuisine où l'on me cuit des patates. Refait un joint au robinet de l'évier.

 

Février 1945

jeudi 1° février 1945

Nous partons à 9h15 et arrivons à Stermberg vers 2h1/2. 
Étape de 19 km avec une route fortement enneigée. De la montée, en plus !
Plus de givre qu'hier : les branches en portent 2 à 3 cm.
8 km de descente en serpentin terminent le chemin.

Nous attendons devant une salle de spectacle, le "Torn Halle", qui est trop petite pour nous loger tous. 
Après bien des recherches, je trouve à loger dans une cuisine-chambre chez une dame qui a une petite fille et dont le mari est militarisé.

 

vendredi 2 février 1945

Sommes repartis en deux groupes pour aller boire le jus et manger une tranche de pain à la confiture dans des réfectoires de firmes. Retournons ensuite chez notre brave dame qui nous offre à déjeuner. Allons nous faire couper les cheveux puis manger la soupe dans une cantine du dehors de la ville. 

Re-soupe le soir avec une tranche de pain et 8 cigarettes. J'avais laissé à cuire à la petite femme - car elle est encore plus petite que moi - des haricots.
Elle me les arrangera en ragoût avec des pommes de terre. Un vrai régal !

Depuis ce matin, il dégèle à plein tube.

 

samedi 3 février 1945

Nous avons rejoint la salle à 8 heures et laissé le traîneau à la petite car maintenant le dur tant promis est là. A 10h1/2, nous partons et allons à la cantine.

2h1/2 d'attente pour boire le jus et toucher un maigre déjeuner. Nous nous rendons ensuite à la gare et embarquons enfin à 3h45 après avoir attendu 5h les pieds dans l'eau. 
N'est-ce pas un peu abusif ?

Il faut attendre le ravito car la mendicité qui nous a nourri durant toute notre route est maintenant impossible. Nous démarrons enfin à 11h20.

 

dimanche 4 février 1945

Nous roulons maintenant après avoir totalisé 236 km à pied, d'étapes, plus les recherches de logement et autres courses supplémentaires.

Nous arrivons à Olmütz à 12h10. On en repart à 2h45. A 5h, arrivons devant Müglitz où nous nous arrêtons jusque 8h15. Enfin du ravito ! 650 g de pain. 50 g de beurre et un bon morceau de saucisson. Nous entrons en gare et attendons jusqu'à 11h1/2 pour démarrer. Passons à Lukawetz. Arrivons à Hohenstadt 12h1/4 pour en repartir à 2h [de l'après-midi]. A 3h1/2, on passe à Triekitz. On s'y arrête jusqu'à 6h50. Le ravito fait plaisir : on en a tellement besoin ! 200 g de pain. 50 g de beurre. 150 g de viande. Arrivons à Pardubitz. A 9h, on nous sert du café par les glaces. Chargement du ravito. 

Départ 11h30 [du soir].

 

lundi 5 février 1945

Nous arrivons à Kolin à 2h1/2 [du matin] pour en repartir à 5h. Nous touchons 1 livre de pain, 150 g saucisson et 25 grammes de beurre. Nous rentrons en gare de Prague à 8h, pour en démarrer à 8h55. Kralup-Randnitz 12h15. Lobovitz, arrêt jusque 3h [de l'après-midi]. J'en profite pour aller boire un bock en ville. 3h, départ. Passons à Aussig à 4h10. Bodenbach - Bad Schandau Pirna où nous arrivons vers 6 h. Nous allons sur une voie de garage et l'on nous manoeuvre vers 10h35 sur une autre voie.

 

mardi 6 février 1945

Nous avons passé toute la nuit au dehors de la gare. Nous en redémarrons à 10h et redescendons sur Bad-Schandau où nous arrivons à 10h. Restons dans le train qui attend. Dans le courant de l'après-midi, nous traversons l'Elbe et arrivons à Brossen devant une usine d'empaquetage de ravitaillement de chevaux de l'armée. A 5h, nous descendons du train pour manger la soupe. On y remonte pour en redescendre à 7h moins le quart pour aller coucher dans des bateaux-mouches qui font le service d'été et qui sont stationnés dans un canal d'embranchement qui est complètement gelé (40 à 50 cm de glace).

 

mercredi 7 février 1945

Nous avons grelotté toute la nuit. Errons toute la matinée. Vers 4h, trouve une âme charitable qui m'offre une bonne soupe et une musette de pommes de terre. A 5h, une maigre soupe de nouilles avec trois bouts de lard qui se battent en duel et à 7h1/2 distribution de 300 g de pain et d'un maigre bout de pâté. Avons mis aujourd'hui paille de bois.

 

jeudi 8 février 1945

Je cherche une maison pour faire cuire mes pommes de terre pendant qu'on se lave et que l'on se rase à l'eau chaude, On me donne 1kg de pain sur la route. A 1h, la soupe épaisse et 8 cigarettes. L'après-midi, je vais refaire cuire les patates dans une maison. On me les fait sauter au beurre. A 5h, quittons Prossen. Le bloc 2 va s'installer à 2 km dans une école à Porschdorf.

 

vendredi 9 février 1945

Nous avons ce matin le jus à 8h. Je prends ensuite la route. J'accompagne Francis. La route longe la montagne. Il y a les rochers, les sapins. Nous sommes en Suisse saxonne.

A 3/4 de marche se trouve Waitzdorf, un petit hameau de seize feux. Il est perché sur le haut d'un plateau. J'y trouve 2 kg de pain et une sizaine de kilos de patates. Nous rentrons à l'école pour midi, touchons 300 g de pain et un bout de boudin. A 3h, la soupe à la cantine de Prossau. C'est le rationnement régulier journalier. C'est à vrai dire bien maigre !

 

samedi 10 février 1945

Trouve ce matin quelques pommes et quelques patates. Dans une maison où je demande à les faire cuire, on me les prépare en ragoût avec de la graisse et des oignons. Touchons aujourd'hui 650 g de pain, 25 g de margarine, 1 tranche de saucisson et 1 cuillerée à soupe de miel. A 1h, descendons à la soupe et il faut attendre 5h pour qu'elle soit cuite.

 

dimanche 11 février 1945

Sommes remontés à Waitzdorf chercher des patates. Mangeons quelques tartines de graisse dans les maisons. Trouve encore 2 beaux morceaux de  pain. Ce matin, ne touchons que 250 g pain, 25 g beurre, et un peu de mélasse. C'est dimanche : le service de soupe se fait aujourd'hui à midi.

 

lundi 12 février 1945

Ayant du ravito d'avance, je fais aujourd'hui repos. L'après-midi, suis allé faire un tour à Bad Schandau qui se trouve à 4h1/2 de Porschdorf.

 

mardi 13 février 1945

Ce matin, lever à 4h1/2. Nous partons à 5h1/2 au rassemblement à Prossen. Nous nous dirigeons vers Bad-Schandau où nous prenons des pelles et des pioches à l'entrée de la ville. Passons à Altendorf-Wittelndorf où nous sortons du village pour aller creuser une tranchée anti-chars. De 8h1/2 à 3h, travail avec 1/2h de pause à midi. Nous quittons à 4h pour manger la soupe. 9 km d'aller et 7 de retour car nous sommes descendus par Rathmannsdorf + 2 de Prossen à Porschdorf. A 9h1/2, alerte. A 10h, toute l'école tremble : ça bombarde au loin.

 

mercredi 14 février 1945

A minuit 1/2, nouveau bombardement. Ca dérouille encore davantage. Dehors au loin au dessus de la montagne le ciel est rouge des incendies.

Ce matin, je suis parti tranquillement à 6h1/2 [du matin] pour arriver là-haut à 8h1/2 [du matin]. Finissons à 3h1/4 [de l'après-midi]. Rassemblement en rangs. Départ 3h45 [de l'après-midi].

Ce matin sur notre chemin nous apercevons des papiers brûlés amenés par le vent. A midi 1/2 les avions sont encore revenus. La terre tremble. La montagne nous porte l'écho des détonations. Dresde subit depuis hier son 3ème bombardement.

 

jeudi 15 février 1945

Comme il n'y a pas de contrôle, je suis parti ce matin à 7h40 pour arriver au chantier à 10h10. J'ai trouvé un bon trou à l'abri du vent, où j'ai attendu patiemment l'heure du départ, ne travaillant que lorsque passaient les S.A. qui surveillaient les travaux. Vers 11h, il y a eu un gros passage de bombardiers par formation de 13 appareils.

 

vendredi  16 février 1945

Toussant un peu et étant fatigué, je me suis inscrit pour la visite. Je suis revenu à Procol [= Kohlmühle ?] car il n'y avait pas de docteur à Prossen qui nous visitait.

 

samedi 17 février 1945

Continuons puisque ça prend. Je me ré-inscris pour la visite puisqu'il ne vient pas de toubib. Je cherche du ravito. Le soir, je vais souper dans une ferme où il y a un prisonnier français. Un bon plat de patates avec de la sauce, du saindoux et une tasse de café.

 

dimanche 18 février 1945

Montons ce matin à Waltersdorf pour chercher des pommes et des pommes de terre. En revenant, nous montons chercher nos patates que nous avions laissé à cuire à la ferme. Je leur montre mes photos, ce qui nous vaut l'invitation à dîner. Chèvre, patates, sauce ; une petite soucoupe de cerises.

 

lundi 19 février 1945

Pour tirer au flanc tout en restant en règle, je suis allé me faire visiter par une doctoresse à Bad Schandau. Après  lui avoir bien monté le coup, j'ai obtenu 4 jours de   repos. Cette après-midi, il nous est venu le service sanitaire à Prossen. Quelques anciennes connaissances d'Auschwitz. Sans visite, sur présentation de papier, mon repos reste.

 

mardi 20 février 1945

Je pars ce matin en ballade, passe devant le roche de Lilienstein. Je demande des patates dans une ferme qui est  sur la commune de Köniqstein. Elles sont réquisitionnés pour la troupe. Interdiction d'en vendre ou d'en trouver sous peine d'amende. En revenant je passe dans le  bois et lève 2 biches à 20 mètres. Au loin, on aperçoit les rochers et le pont de Bastei.

Je passe à Waltersdorf où je  fais mon approvisionnement.

 

mercredi 21 février 1945

Il faisait  hier une journée splendide et ce matin il neige. Dégel dans l'après-midi. Repos sur toute la ligne.

 

jeudi 22 février 1945

Ravito dans les fermes de Porschdorf. R.A.S. .

 

vendredi  23 février 1945

Suis allé passé la contre-visite. J'obtiens encore 3 jours de repos.

 

samedi 24 février 1945

Quittons l'école à 9h1/2 pour nous rendre dans un lager en construction à 2km au dessus de Königstein. Il nous faut passer le pont à Bad-Schandau pour traverser l'Elbe. Nous  faisons une douzaine de bornes. Le camp est en montagne sous les sapins. Jadis, il y avait des détenus politiques ; aussi, il est entouré de barbelés électriques et il y a des guérites surélevées avec projecteur. On s'organise. Installation d'un châlit. Plantons quelques clous pour accrocher nos affaires, montons un poêle et faisons du feu car il fait très humide.

 

dimanche 25 février 1945

En me promenant dans le camp, je trouve un couteau, discute et vais me faire embaucher directement à l'ingénieur directeur des travaux du camp, ce qui m'évitera d'aller sur le chantier : une usine souterraine en construction.

 

lundi 26 février 1945

Débarrassons un magasin pour le réinstaller 150 mètres plus loin. Transporter quelques bouteilles sur le lieu du travail et quelques tuyaux de 70. 
J'ai réussi ce matin à faire embaucher Francis avec moi ; il me servira d'aide. 
Ce matin à 6 heures nous avons eu la soupe et notre ration de pain, soit comme d'habitude la boule de 2 kg à 6 [lire : pour 6], c-à-d 300 g [= c'est-à-dire à peu près 300 g par personne]. Le soir, rata.

mardi 27 février 1945

J'ai repris le chalumeau.
7 tuyaux de 70 de 9 mètres de long en découpant évidements - ce qui manque - et fermés aux 2 bouts par des disques en tôle de 3 mm légèrement bombés.

 

mercredi 28 février 1945

Terminé le travail d'hier. Transport de tuyaux.

 

Mars 1945

jeudi 1° mars 1945

7x4m, fermés des 2 côtés.
3x4m, fermés d'1 seul côté. 

 

vendredi 2 mars 1945

Commencé embranchement de 25/50.
Ce sera ainsi pour chaque élément.
L'arrivée de vapeur se  fait en haut, la sortie en bas.
[ici, sur le manuscrit, il y a un croquis]

 

samedi 3 mars 1945

Passé dans une autre pièce matériel : poste (de soudeur), bouteilles (d'acétylène), établis. 
J'ai pris mon après-midi pour faire ma lessive.

 

dimanche 4 mars 1945

La firme ne possédant pas les tickets pour la semaine prochaine, je me suis fais faire un papier par l'ingénieur et suis descendu à la Wirtschaft Betrieb à Königstein.
Je suis obligé d'y revenir l'après-midi à 2 heures pour voir Mr Giebel qui se trouvera à 3 heures à la Verwaltung allemande du Lager.
Je remonte avec le camion du ravito à 4h1/2 ; je touche mes tickets. Les autres firmes ne les ont touchés que le lendemain et le surlendemain.

 

lundi 5 mars 1945

Préparé 4 embranchements.
Ai chauffé à la forge pour économiser l'oxygène.

 

mardi 6 mars 1945

Ø 70 : 4 morceaux coudés.
Et ai soudé 4x4 mètres.
Commencé retour.

 

mercredi 7 mars 1945

Continué embranchements.

 

jeudi 8 mars 1945

Rücklauf Ø 50 coudés.
Embranchements de 25.
La neige qui avait commencé à tomber dimanche est tombée toute la nuit.

vendredi  9 mars 1945

Embranchements.
A 11 heures, suis allé chercher des patates dans les fermes dans un  patelin à 2 km.
Je ne suis rentré qu'à 2h1/2.

 

samedi 10 mars 1945

Embranchements Ø 50.
Avons terminé la journée à 12h.

 

dimanche 11 mars 1945

Repos.
Sommes donc partis au ravito à Porschdorf en passant le bac à Königstein.
Dînons à la ferme où nous avions fait connaissance.
Après explication du cas, obtiens 1500 g de  pain, 1 verre de saindoux et 1/2 musette de patates cuites.
En avais trouvé deux autres ainsi que quelques tartines. Rentrons au camp à 2h1/2.

 

lundi 12 mars 1945

Réparation au poste à carbure. Ø 50.
A 8 heures quittons à trois le lager (avec Boisson et Mercier).
La nuit est noire.
Nous passons par un trou dans le qrillage fait par un sapin tombé.
Traversons le bois et gagnons la route pour prendre à Königstein le train de 10h08.

 

mardi 13 mars 1945

Le train a du retard et ne démarre qu'à 12h45.
A 2h à Bodenbach, on change de train.
Départ à 3h20 pour arriver à Aussig à 4h 1/2.
Prends un nouveau billet.
Départ 4h45.
Arrivons à Komotau [= Kemtau ?] à 8h 1/2.

Il faut maintenant trouver des vivres, aussi on reprend la route.

A Deutsche Kralup, le maire nous indique qu'il existe à Bumersdorf un foyer de réfugiés qui peut nous nourrir, Nous y mangeons la soupe.
Échange 12 cigarettes pour 2 kg de pain.
A 5h, reprenons le  train pour arriver à Karlsbad à 8h.

Trouve une école où il y a un centre de réfugiés dans laquelle nous pouvons coucher sur un châlit.

 

mercredi 14 mars 1945

Après avoir déjeuné, prends renseignements à la police, puis vais à l'Arbeitsamt, où je leur dis que " nous avons perdu notre colonne et que nous devons rejoindre à 9 à Innsbrück et qui n'existe pas ".

Karlsbad étant une ville divan, pas de vérification. Obtiens un papier qui me fait obtenir dans un autre bureau de la ville les papiers de  voyage avec visa.

Après avoir mangé la soupe et quelques tartines à l'N.S.V de la gare, me rend dans les bureaux de l'N.S.V en ville pour obtenir un bon de transport gratuit, en leur disant que je n'ai pas d'argent.
Nous ferons ainsi un bond de 495 km en nous économisant à trois  59 DM 40.

Après avoir remangé en gare reprenons le train de 6h 1/2 qui nous amène à Eger à 9h20 au moment où sonne une alerte. Nous allons dans une cave-abri en ville jusqu'à 11h10. Nous remangeons de la soupe et du pain en gare.

 

jeudi 15 mars 1945

A 4h15, nous remontons dans le dur [= le train ?]. 

Passons à 5h25 à Saßen et arrivons à Marktredwitz à 6h 1/4, d'où nous repartons à 6h48 après avoir changé de train.

Regensburg ayant été bombardé nous montons un peu avant dans des wagons de marchandise (ciment) pour prendre un autre train à Obertnaubling direct jusqu'au faubourg de Munich.

Il faut encore changer à cause des bombardements pour aller à la gare centrale où l'N.S.V  est installé dans les sous-sols transformés en abri.

Il est tard. Mangeons quand même et nous installons sur des bancs pour passer la nuit.

 

vendredi  16 mars 1945

Après nous être lavés et rasés et avoir pris le petit déjeuner, nous allons en ville acheter les 2 kg de pain échangés en tickets à Bümersdorf.
La gare la ville n'est plus qu'une ruine.

A 9h20, prenons la trottinette pour Passing.
On redéjeune à l'N.S.V en ville et prenons le train de 14h.

Passons Starnberg-Garmisch où se font les olympiades de ski. Arrivons faubourg d'Innsbrück où il faut encore changer de train par suite des bombes.

Innsbrück. Notre grande randonnée tire à sa fin dans une école où il y a des chalets d'installés. C'est un centre pour étrangers. Nous y retrouvons des connaissances d'Auschwitz et d'autres Français. Après la soupe, nous allons en ville manger des légumes avec des tickets de matière grasse rabiautés sur notre parcours.

 

 

samedi 17 mars 1945

Après avoir bu un jus au café du Tyrol, allons à l'Arbeitsamt pour nous faire embaucher dans les fermes. Sommes envoyés dans un petit village sur un plateau. Allons ensuite chercher des cartes civiles en nous gardant de dire que nous sommes dans un centre d'hébergement. Obtenons trois jours de tickets permissionnaires et deux jours de tabac. Après la soupe de midi à l'école, allons nous promener en ville. Après la soupe du soir, retournons manger au restaurant.

 

dimanche 18 mars 1945

Suis allé prendre renseignements pour notre train de demain. Ballade en ville. Mangeons le soir au restau.

 

lundi 19 mars 1945

Après avoir déjeuner au Greil, le Tyrol étant aujourd'hui fermé, allons prendre le tramway de 11 h à la Stubail-Banhof pour Natters où nous arrivons à 11h20.

Le chef du syndicat nous place à 4 h. Goûter avec pain beurre et fromage.
Nous promenons dans le village. C'est aujourd'hui fête, saint Joseph étant le patron du Tyrol.
Ma chambre, c'est une salle de bain avec baignoire et lavabo eau courante, deux chaises, une table de nuit avec lampe de chevet pour tout éclairage, et un porte-manteau.

 

mardi 20 mars 1945

Réveil à 6h. Après déjeuner, sors le fumier, étrille les vaches. Coupons du foin. Puis vais à la  mairie pour les tickets journaliers.
2ème repas à 10h1/4.
Vais ensuite faire réparer mes godasses : suis obligé d'aller à Mutters, village voisin, car le cordonnier de Natters est surmené de travail.
L'après-midi, je répare une brouette. A 4 h, goûter. Rentre du bois d'une remise derrière la maison, le range près de l'étable à l'intérieur.

 

mercredi 21 mars 1945

Prends le tram de 11h 1/4 pur aller à Innsbrück chercher mes cigarettes et celles des autres.
Me fait acheter deux pipes tyroliennes par des soldats. Arrêtons sous le tunnel car il y alerte.
Remonte avec une camionnette. Continue, avec la charrette à bras, de rentrer du bois.
Vers 6h, fais l'étable.

 

jeudi 22 mars 1945

Matin et  soir, travail à l'étable. 
Mets un nouveau devant à une brouette et un coté à un ramasse-poussières en bois.

 

vendredi  23 mars 1945

Rentre du bois. Vais à Mutters voir si mes souliers sont finis.  Balade de 12h à 2h 1/2 où nous prenons le soleil devant l'abri  avec quelques prisonniers français.

 

samedi 24 mars 1945

Bois. Ai monté schlittes au grenier. Suis aller retirer mes godasses à Mutters.

 

dimanche 25 mars 1945

Messe à 8h1/2. Dînons à 10h 1/2. Promenade après le goûter. Fais l'étable puis vais voir l'aumônier qui était venu aujourd'hui pour faire faire les Pâques au Rmdo. C'est aujourd'hui les Rameaux.

Coutume du pays : grande branche où est attaché sapin, lierre. ..etc., rubans de couleur ; suspend encore pommes et pâtisseries (sorte de noeuds d'amour). 

 

lundi 26 mars 1945

Sommes allés herser un champ, couper du foin après dîner (pour fumer les champs).

 

mardi 27 mars 1945

Éparpillage du fumier.
Passe de l'avoine au tamis.
Après midi, sommes aller labourer. Ratissage à chaque sillon.
Nettoyage du jardin.

 

mercredi 28 mars 1945

Commencé à bêcher le jardin.
Ai vidé la paille du compteur d'eau dehors ainsi que d'un soupirail de cave.
Ai fait tomber par la trappe de la paille coupée pour la litière.

 

jeudi 29 mars 1945

Nivelage et empierrement devant la porte de la grange.
Après midi suis allé rouler le champ avec un rouleau de 1,90 m et de 30 cm de diamètre, tiré à la main bien entendu.

Voir : 
NATTERS = image du centre, ici : http://www.innsbruck.info/system_images/imagebilder/natters.jpg
MUTTERS =  image du centre, ici : http://www.innsbruck.info/system_images/imagebilder/mutters.jpg
Le 29 mars 45, après-midi, papa a fait un dessin qui est une synthèse de ces deux photos.
On y voit, à gauche, le village de Mutters et son clocher pointu,  au centre, le village de Natters et son clocher à bulbe, et en arrière plan la plus haute des montagnes, le pic pointu.

 

vendredi  30 mars 1945

Ai commencé à enlever les orties  devant les groseilliers, réparé la benne, charrié cendres et ordures aux Orions [?].

Retour du prisonnier qui travaillait là depuis deux ans et qui était depuis deux mois à l'hôpital de Landec.

C'est aujourd'hui le Vendredi saint. Après le  souper, suis allé un moment à l'église où comme à Auschwitz il y a le Christ au tombeau mais ici c'est une toile sous l'autel. 
De chaque côté en bas : deux centurions.

 

samedi 31 mars 1945

Ai terminé d'enlever les orties : il y en avait deux grosses brouettes.
Nettoyage de la cour le reste de la journée.

 

Avril 1945

dimanche 1° avril 1945

Pâques - 6h1/2 : messe, communion.

Étable. Dînons à 11 heures.
Vais à Mutters chercher du travail car j'ai été licencié ce matin, la maison n'ayant pas besoin de deux hommes. Toutes les  places sont occupées car il est arrivé deux prisonniers cette semaine.

Je prends donc le train et monte à Telfes où je serai  placé.
Je rentre à Natters à 7h1/2.

 

lundi 2 avril 1945

Descend tranquillement à 8h pour déjeuner.
A 11h, nous dînons. Après-midi allons à Larchenwald [?] avec les prisonniers.

 

mardi 3 avril 1945

Après déjeuner, me met en règle avec la mairie. Prépare mes bagages et prends le train de 11h. Le chef supérieur m'attendait à la gare et me conduit dans une autre maison où il y a un cultivateur prisonnier d'Armentières. Après avoir dîner, m'être changé, sommes allés labourer un champ de patates pour faire de la récupération.

 

mercredi 4 avril 1945

Sommes allés vider un Stadelle, cabane dans laquelle on entasse le  foin en montagne.
Avons chargé sept charrettes. On nous a apporté le déjeuner et le goûter sur place.

 

jeudi 5 avril 1945

Mené fumier au champ, conduit boeufs au labour. Commencé à remonter la terre du sillon du bas du champ que nous avions labouré mardi.

 

vendredi  6 avril 1945

Défait un noeud de paille. Étendu fumier sur un pré. Brossé [prossé ? frossé ?] ensuite avec une brosse double tirée par les boeufs.

 

samedi 7 avril 1945

Coupé de la paille et du foin. Sommes allés brosser un pré sur la  route de Fulpmes. Coupé des souches au passe-partout.
Est fendu (On les fend) ensuite avec des coins.

 

dimanche 8 avril 1945

Après avoir fait l'étable et porter le lait à la laiterie que je porte presque chaque matin et soir, suis allé à la messe de 8h1/2.
L'après-midi, concert à Fulpmes, d'un orchestre de prisonniers transformés.
Vers 6 h, ai fait boire les vaches et ai fait la litière.

 

lundi 9 avril 1945

Ai remonté la terre d'un champ avec un charriste. Sommes allés labourer un petit champ où j'ai enlevé les racines dans chaque sillon.

 

mardi 10 avril 1945

Transport fumier en champ.
Labour. Commencé l'éparpillage.

 

mercredi 11 avril 1945

Le matin, j'ai étendu du fumier au champ et j'ai fini  de rejeter la terre du sillon du bas dans le champ que j'avais commencé lundi.

 

jeudi 12 avril 1945

Jeté de la chaux puis hersé cette après-midi.
Ai ramassé des cailloux dans le pré sur la route de Fulpmes.

 

vendredi  13 avril 1945

Sommes allés herser le champ de patates, récupérer 2 seaux.
Installation de 24 tuyaux en galvanisé de 6 mètres, du coude, de l'entonnoir, de la pompe et de la  lance.
Cet après-midi pendant 5 heures j'ai pompé pour arroser [ici : 1 mot illisible suivi du mot "près"], soit de 12h1/2 à 6h avec un arrêt à 4h pour goûter.

 

samedi 14 avril 1945

Remanipulé les tuyaux en trois tas.
Coupé des branches en petits morceaux. Nettoyage du poulailler.
Ramené la terre avec une fourche retournée dans leur sillon du haut et enlevé les racines.

 

dimanche 15 avril 1945

Étable. Laiterie, Messe de 8h1/2, Promenade.

 

lundi 16 avril 1945

Suis allé ce matin refaire un mur en pierre qui s'était effondré sur le chemin avec 5 autres hommes. D'autres le  finiront cette après-midi.

Sommes  allés jeter de l'engrais et herser un champ de blé, couper paille et foin, laver des patates pour remplir la marmite des porcs.

 

mardi 17 avril 1945

Avons chargé fumier et mise en bas sur le champ toute la journée. 

Ce soir avant souper, lavé un nouveau chaudron de patates.

 

mercredi 18 avril 1945

Suis allé tamiser de l'orge à la machine dans une ferme en dehors du village, de 10h à 6h1/4. 

Ai éparpillé du fumier.

 

jeudi 19 avril 1945

Ai éparpillé fumier jusqu'à 11 h.

Cette après-midi, ai conduit les boeufs pour re-labourer. Avons ensuite hersé. Nouvelle récupération de patates.

 

vendredi  20 avril 1945

Hersé champ de seigle. Semé orge et passé le rouleau.

Sommes rentrés vers 11 h à cause de l'alerte et n'avons recommencé qu'à 1h1/2 à semer de l'avoine dans un autre champ.

Commencé ce soir à enlever coquelicots dans le seigle et il y en a !!!

 

samedi  21 avril 1945

Passé le rouleau dans le deuxième champ. Coupé de la paille. Continué à enlever les coquelicots.

 

dimanche  22 avril 1945

Pris le tram de 12h45 pour aller voir Francis et Henri à Natters. Suis rentré à 6h15.

 

lundi 23 avril 1945

Fendu aujourd'hui du bois. Ce matin souches pour salle à manger. Cette après-midi bois de cuisine.

La  neige qui recouvrait déjà le pied de la montagne recouvre maintenant tout le sol car il en est tombé toute cette nuit. Elle a dégelé dans la matinée,

Et dire que la semaine dernière on travaillait en chemise et qu'on attrapait des coups de soleil !  

 

mardi 24 avril 1945

Monté de la paille. Coupage (foin et paille).

Fendre bois et empiler celui d'hier jusqu'à 2h. Étendre ensuite du fumier jusqu'au souper.

 

mercredi  25 avril 1945

Fini ce matin de fendre le bois pour la cuisine. Cette après-midi, ai vidé un silo de patates & préparé les plants.

 

jeudi 26 avril 1945

Le matin jusqu'à midi enlevé coquelicots.

Après dîner nous avons planté des pommes de terre avec la charrue.

 

vendredi  27 avril 1945

Creusé sillon avec un butoir à double soc. Après-midi planté patates, retourné jardin.

 

samedi 28 avril 1945

Coupé de la paille pour la litière. Comme il pleut, ai cassé du bois jusqu'à midi.

Après dîner, ai blanchi le poulailler à la chaux.

 

dimanche  29 avril 1945

Après avoir porté le lait, ai fait boire des vaches et ai fait la  litière. Suis descendu à Natters voir les camarades.

 

lundi 30 avril 1945

Lever le matin 5h 1/4.

Ai sorti le fumier de l'étable et ai pris le premier train à 6h1/2 pour aller à Innsbrück chercher un papier de transport pour se faire rapatrier par la Suisse.

Suis remonté jusqu'à Mutters à pied et ai repris le train qui m'amena à Telfes à midi. 

Redescend avec le tram de 6h 1/2. Prenons place dans des wagons à bestiaux. Départ 11h45.

 

Mai 1945

mardi  1°mai 1945

Landec. Bludenz. Feldkirch où nous arrivons à 9h20. Alerte. Ligne électrique coupée à Bregenz par mitraillage. Une machine à vapeur nous met sur une voie de garage.

Nous ne repartons que dans l'après-midi. Schaanwald. Principauté de Liechtenstein et douane suisse.

Attente longue. Ne pouvons aujourd'hui passer la frontière.
Allumons du feu dehors, qu'il faut éteindre vers 10h car il y a une pointe avancée de chars américains qui sont venus à 92 km.

 

mercredi 2 mai 1945

Il neige. A 1h, nous rallumons le feu car il fait froid. De bon matin, nous nous mettons en colonnes, cinq par cinq.

Je passe enfin la frontière vers 10h après avoir donné mon argent allemand à des enfants pour ne pas le remettre aux autorités allemandes : nous ne devons garder que 10 Mark.

Dès que nous avons passé la frontière, nous touchons du pain, du lait et 2 cigarettes, nous montons dans des wagons de marchandises, par une planche pour faciliter l'entrée.

Les hommes sont comptés, tant par wagon, par un douanier. Pas de pagaille.

 
A Buchs, montons dans un train spécial. Soupe, pain. Obtiens de civils 10 cigares et 20 cigarettes.
Des wagons qui s'arrêtent en face, ce sont petits cigares et cigarettes que les soldats nous distribuent.

Accueil sympathique changeant de 100% d'avec l'Allemagne.

Départ : 3h1/2. Sargans. Zürich. Aarau. Olten. Schönbühl-Sbb où nous nous arrêtons vers 11h. Ravito distribué dans les wagons par la Croix-Rouge.

 

jeudi 3 mai 1945

Avons passé la nuit sur place.

5h : jus et petit déjeuner. Accrochage d'un petit transfert. A 6h10, entrons à Berne.

Fribourg. Romont. Lausanne (longeons le lac Léman).

Genève (pain, fromages, bouillon, cigarettes). Expédition d'un télégramme par la Croix-Rouge.
Accueil inoubliable : tout Genève aux fenêtres ! Drapeaux suisses et français. "Vive la France ! Vive la Suisse !".

Collonges-l'Ecluse. Nous sommes en France à Bellegarde. La musique nous joue la Marseillaise, un peloton nous présente les armes. Bouillon et biscuits distribués par la C.R.F.

Saint-Julien en Genevoix : la population nous distribue des sandwiches et du vin.

Annemasse. 

Annecy. 
Par les autocars, sommes conduits vers le lac d'Annecy dans une salle d'attente, Vers 1h du matin, vais souper à l'Imperial Palace, passe ensuite aux formalités diverses et prend ma douche vers 4h1/2. 
Visite médicale sommaire. Rentre enfin à 5h à l'hôtel.

vendredi  4 mai 1945

Il n'y a plus de place dans les chambres. Je couche donc dans le couloir, sur le plancher. Déjeuner. Feuille de transport. Colis. Emmenés par des cars, prenons le train qui part à 12h20.

Rumilly. Aix-les-Bains. Chambéry. Montmélian. Grenoble. Voiron,

Lyon-les-Brotteaux, centre d'accueil : café, pain, fromage, biscuits.

Remontons dans le train, 9h1/2. Démarrons à 10h20.

Villefranche-sur-Saône. Mâcon.

 

samedi 5 mai 1945

Dijon. La Roche-Migennes. Joigny. Sens. Montereau. Melun.

Paris-gare de Lyon : sommes emmenés au Vél. d'hiv. par les autobus parisiens. Souper.

Prends le métro et vais à Pigalle au cirque Médrano où la place m'est offerte gratuitement sur la présentation de la carte de rapatrié. Vais ensuite boire une coupe de champagne.
Il n'y a plus de métro. Place Clichy. L'Etoile. La Tour Eiffel. Il est 2h quand j'arrive au Vél. d'hiv.. 

 

dimanche 6 mai 1945

Me rends au restaurant et mange. Vais ensuite me coucher sur une paillasse. 

Lever à 4h1/2. Attente feuille de transport. Camions nous conduisent à la gare du Nord. Départ : 9h10.

Longueau ; ravito. Arras. Douai.

Lille, grand'poste : téléphone à tante Jeanne et rentre avec tram par Tourcoing.

Ginette et Edouard me cueillent à la descente au monument aux morts.

[Papa parle du monument aux morts de la rue de Lille à Halluin. 
Ginette est sa soeur, Edouard est son grand-frère.
Leur maison est à deux pas du monument aux morts de la guerre 14
].

 

lundi 7 mai 1945

Suis allé à la mairie pour mes cartes d'alimentation. Il me faut aller à Lille chercher une fiche spéciale.

 

mardi 8 mai 1945

Me rends en vélo à Lille, rue du Molinel, à la maison du prisonnier, déporté et réfugié.
Fiche de double ravito pendant trois mois.

Aujourd'hui, annonce officielle de la capitulation sans condition de l'armée allemande.

A 4h, défilé de la Victoire.

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